MORVAN ? Vous avez dit MORVAN ?

Nous connaissons tous le nom de MORVAN et une partie de l’histoire (Bibracte !) de ce massif de hautes-collines qui s’affirme dans nos paysages comme une véritable avant-garde granitique du Massif central.

Mais qui fut, aux yeux de l’histoire, le premier des morvandeaux ?

Quand apparait pour la première fois ce nom qui semble avoir traversé près de 2000 ans d’histoire ?

La source : une inscription

Tout commence01), dans l’état actuel de nos connaissances, au IIe ou IIIe siècle de notre ère, à Rome, dans l’Urbs donc, avec une inscription quelque peu méconnue et dont voici la reproduction02) :

CIL VI, 3403703)= XIII, 11090. Lieu : Rome.

D M
AEMILIO
MORVINNICO
AEDVO

Interprétations

Sa translitération donnerait : Diis Manibus. / Aemilio Morvinicco, Aeduo.

Soit : Aux dieux Mânes. Consacré à Aemilius Morviniccus, Éduen.

Dans cette traduction nous considérons un gentilice Aemilius, un cognomen Morviniccus, et une origine, Aeduus.

  • Le gentilice Aemilius04) , très répandu, ne nous apporte guère de renseignements.
  • Aeduus désigne ici l’origo de ce personnage, il vient du territoire des Éduens. Aeduus signifie simplement éduen et renvoie à la « ciuis Aedua», à une citoyenneté éduenne exprimée sur d’autres stèles funéraires découvertes à Rome05).
  • Le cognomen Morvinnicus semble bien renvoyer à l’idée de Morvan :

« Pagus propre Augustudunum in Aeduis06) », ou encore « Morvennumvicus ? pagus ? »07).

Le très célèbre Gaffiot, le répertorie même, Morvinnicus, comme un surnom romain08) .

L’épitaphe de l’Éduen Aemilius Morvinniccus09) semble bien nous offrir la plus ancienne attestation du nom géographique Morvan.

La vie de deux Saints, Saint Germain d’Auxerre (380-415) et Saint Eptade du Morvan (448-525) font ressurgir, deux ou trois siècles après, Morvinnus ou Murvinnus.

  • Murvinnus apparait ensuite dans la vie de Saint Germain d’Auxerre10), sixième évêque d’Autun selon la Tradition (380-415), quand ce saint-homme choisit de passer par Cervon (Nièvre, commune de Corbigny) avant de pénétrer dans le Morvan « Occurantes per Murvinnum fletu gemituque clamabant. », « Dum de uico Ceruedone in Murvinno progreditur ».
  • Nous retrouvons encore « Morvinnus » dans la vie de Saint Eptade du Morvan qui choisit de se réfugier dans cette contrée sauvage pour y trouver la solitude: « proripuit ad deserta Morvinni, in Montanum solitudinem properauit »11)

Quelques autres références bibliographiques pour Aemilius Morvinnicus :

  • Atti del Congresso nazionale studi romani, Istituto di studi romani, 1929, p. 258: CIL VI 34037, Aemilius Morvinnicus Aeduus, nella Lugudunese.
  • Bulletin de la Société des Antiquaires de France, année 1880, p. 231.
  • CHAUME M. (1977) – Les origines du Duché de Bourgogne: Géographie historique Scientia Verlag, 1977 (réimpression), p. 81, note 1.
  • DESJARDINS E. (1869) – Géographie de la Gaule d’après la table de Peutinger, Hachette et Cie, 1869, p. 204: D M/ AEMILIO/ MORVINNICO / AEDVO.
  • HAGENBUCH J.K, ORELLI J. K. von, HENZEN W. (1828) – Inscriptionvm latinarvm selectarvm amplissima collectio: ad illvstrandam romanae antiqvitatis disciplinam accommodata ac magnarvm collectionvm supplementa complvra emendationesqve exhibens, Volumes 1 à 3, Orelli, Fuessli, 1828, n° 5219, p. 29.
  • LEJAY P. (1889) – Inscriptions antiques de la Côte-d’Or, vol. 80, École pratique des hautes études, É. Bouillon, p. 250.
  • Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, Masson 1895, p. 241.
  • Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France (1880) – Volume 41, Société nationale des antiquaires de France, p. 230-231 avec reproduction.
  • METZLER J.B. (1933) -Paulys Real-Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft: neue Bearbeitung, Volume 16,Numéro 1, p. 146.
  • Neue Heidelberger Jahrbücher, Volume 2, Historisch-Philosophischer Verein zu Heidelberg, G. Koester, 1892, p. 12: Aemilius Morvinnicus Aeduus
  • NOY D. (2000) – Foreigners at Rome: Citizens and Strangers, Duckworth with the Classical Press of Wales, p. 302: Aemilius Morvinnicus.
  • RICCI C. (1992) – Dalle Gallie a Roma. Testimonianze epigrafiche d’età imperaile di personaggi proveniente dalla narbonese e dalle tres galliaea, revue archéologique de narbonnaise, 25, 1992, p. 306. N° A : Aemilius Morvinnicus Aeduus, riceve sepoltura. II-IIIe sec (CIL VI 11090= 34037).
  • WIERSHOWSKI L. (1995) – Die regionale Mobilität in Gallien nach den Inschriften des 1. bis 3. Jahrhunderts n. Chr: quantitative Studien zur Sozial- un Wirtschaftsgeschichte der westlichen Provinzen des Römischen Reiches, Franz Steiner Verlag, 1995, p. 296, 316. CIL VI 34037.
  • WIERSHOWSKI L. (2001) -Fremde in Gallien- « Gallier » in der Fremde: die epigraphisch bezeugte Mobilität in, von und nach Gallien vom 1. bis 3. jh. n. Chr. (Texte-Übersetzungen-Kommentare), Franz Steiner Verlag, n° 101, p. 88, CIL VI 34037 = XIII 11090: Dis Manibus/ Aemilio / Morivinnico/ Aeduo.
  • ZANGEMEISTER K.F.W. (1892) – Zur Geographie des römischen Galliens und Germaniens nach den Tironischen Noten, Volume 1, p. 12. CIL VI, 11090: Aemilius Morvinnicus Aeduus.

Références

1. La plus ancienne mention du Morvennum pourrait appartenir aux Notae Tironianae, les « Notes tironiennes », un véritable recueil d’abréviations sténographiques dues à M. Tullius Tiro, com.III, cap.II, tab. 86, 96. Cet ouvrage reçut de nombreuses extensions par la suite, en particulier à l’époque médiévale, ce qui nous rend prudent.
2. Giornale arcadio di scienze, lettere, ed arti, Volume 4 ; Volume 28, Nella Stamperia de Romanis, 1823, N° 10, p. 351.
3. Corpus Inscriptionum Latinarum, Liber VI, Inscriptiones urbis Romae Latinae, p. 1441.
4. SOLIN H., SALOMIES O., 1994, Repertorium nominum gentilium et cognominum Latinorum, p. 6 ;- LÖRINCZ B., 1994, Onomasticon provinciarum Europae Latinarum , vol. I, p. 40-42.
5. AE 1984, 121 : D(is) M(anibus) / Capriliae Seuerae / civis Aeduae / qu(a)e defuncta est / ann(orum) XVIII / Catius Maximinus / maritus fecit.
6. SCHUMANNI C. (1833) -Totius latinitatis lexicon. Consilio et cura Jacobi Facciolati. Opera et studio Aegidii Forcellini,…Secundum tertiam editionem, cujus curam gessit Josephus Furlanetto… correctum et auctum labore variorum. Editio in Germania Prima, p. 109.
7. HOLDER A. von (1896) – Alt-Celtischer Sprachschatz, Volume 2, B. G. Teubner, 1896, Morvinnicus, col. 637.
8. GAFFIOT F. (2000)- Le grand Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, p. 1007.
9. DELAMARRE X. (2007), Noms des personnes celtiques, p. 136, émet un possible doute sur la lecture de l’épitaphe, Orvinnico semblerait possible en lieu et place de Morvinnico, à la ligne 3. Le cognomen renverrait alors à Orvinius (p. 146) ou Uruinius (p. 206) ? Nous n’avons retrouvé cette hypothèse sur aucune des autres publications mais n’avons, à ce jour, pas encore pu voir la stèle.
10. Vita sancti Germani episcopi Autissiodorensis, Vie de Saint Germain écrite vers 475-480 à la requête de l’évêque de Lyon, Patiens, 29,83 :- 32, 93.
11. Vita Eptadii, 8 MGSS Mer. III, p. 189, 15.
27 février 2017