Les viviers d’huîtres d’Augustodunum

Les coquilles d’huîtres sont des éléments très communs dans les fouilles archéologiques pour l’époque gallo-romaine. Il en est de même pour les bassins privés des riches villae, ceux-ci se retrouvent régulièrement et servaient au stockage de poissons ou de coquillages.

Mais le cas d’Augustodunum (Autun) est beaucoup moins courant. Certes on a retrouvé des coquilles d’huîtres dans l’enceinte de la ville, ce qui est commun, mais on a également retrouvé de véritables viviers d’huîtres sur les bords de l’Atuvaros (nom latin aux accents très gaulois de la rivière Arroux). Ceux-ci se retrouvent entre le pont d’Arroux et le pont saint-Andoche, c’est-à-dire sur une longueur d’environ 500m. Les quantités sont très importantes, dont une majorité d’huîtres non ouvertes, ce qui dans ce cas dément l’idée d’une simple consommation sur place. Il est très probable qu’il y avait là un port par lequel arrivaient les huîtres depuis la mer, l’Arroux ayant été certainement navigable à l’époque romaine. Etant donné la position de la ville au carrefour des bassins de la Loire, du Rhône et de la Seine, il n’est pas interdit de penser que ces huîtres pouvaient venir des rivages de l’Atlantique, de la Méditerranée ou de la Manche, Augustodunum étant équidistante de ces trois mers, à environ 550km. Le commerce des huîtres se poursuivant également jusqu’en Suisse et sur le Rhin, on pense actuellement que la ville d’Autun servait de relais dans le transport de ces coquillages : en atteste la grande quantité d’huîtres non ouvertes.

Huitres plates découvertes dans les années 1920 à Autun, par un habitant faisant son jardin, au bord de l’Arroux, à l’embouchure du Ternin. Ce dépôt découvert d’une superficie de 10 m² contenait de très nombreuses huitres pour beaucoup non ouvertes. Elles sont conservées au Musée Rollin à Autun.

Cet emplacement est très intéressant à bien des égards. On sait que les huîtres survivent environ 24 jours hors de l’eau, grâce au procédé du trompage (qui habitue les huîtres à vivre en dehors de l’eau), or étant donnée la vitesse de transport qui est d’environ de 3 à 4 kilomètres par heure, c’est-à-dire entre 25 et 35 kilomètres par jour, cela place Autun à la limite de transport des huîtres sans repos. Ceci pose question après quant au stockage des huîtres : étaient-elles parquées à même la rivière pour profiter de la turbidité des eaux afin de les nourrir ? Etaient-elles parquées dans des bassins, et si oui était-ce de l’eau salée ?

Cette dernière hypothèse est crédible car on a retrouvé des bassins d’eau salée (en particulier à Jarnac où il semble qu’il y ait également eu des viviers, mais on est à 50km de l’Océan seulement). Dans la mesure où le commerce du sel allait de pair avec l’ostréiculture, certains archéologues accréditent cette idée. Le sel qui aurait été nécessaire à ces bassins aurait très bien pu venir du Morvan puisqu’on a des sources salées connues à cette époque, dont le site gallo-romain des Fontaines Salées à côté de Vézelay (à 100km d’Autun) où il y eut des marais salants, ainsi que des gisements de sel gemme dont on trouve des traces dans les carrières de grès d’Antully à quelques kilomètres d’Autun (ce grès a d’ailleurs servi dans l’édification de la ville). Ces sites ont l’avantage d’être sur les bords de la via Agrippa, la voie romaine reliant Lugdnunum (Lyon) à Gesoriacum (Boulogne-sur-Mer), ce qui a pu faciliter le transport du sel dans des bassins sachant qu’il en aurait fallu 30g par litre.

On suspecte également un bras mort du Ternin, affluent de l’Arroux, et à 500m de la porte d’Arroux d’avoir été aménagé en vue de la conservation des huîtres : il aurait fallu 15 tonnes de sel pour lui donner la salinité de l’eau de mer, ce qui aurait coûté d’après l’édit du Maximum de Dioclétien environ 3000 deniers (autrement dit la solde annuelle de dix légionnaires), le même édit fixe le prix de cent huîtres à 100 deniers. Cette hypothèse des bassins salés tient donc la route financièrement. Le seul problème concerne les faits : les archéologues ayant découvert ces huîtres dans les années 20 ont pensé qu’il s’agissait d’un simple dépotoir et n’ont donc pas cherché à faire de relevés sur la salinité des sols ou de tout autre élément qui aurait pu servir à la vérification de cette hypothèse.

Cependant on sait aussi qu’Augustodunum était un grand centre de production d’amphores, notamment à destination des vignobles de Bourgogne. Il est donc tout à fait envisageable que les huîtres aient été triées à Autun. Les huîtres mortes étant jetées, et celles en bon état de conservation continuant leur route, celles qui étaient en mauvais état de conservation ont donc pu être saumurées puis conservées dans des amphores afin de pouvoir continuer leur route et diminuer ainsi les pertes.

27 février 2017